13. Dix romans sur la Grande Guerre
12 juin 2014 Luc Fessemaz
Une sélection de dix romans
” Comment raconter la guerre ? Dès 1915, les premiers romans apparaissent et présentent l'événement tragique comme une aventure, avec un souffle épique et un regard forcément manichéen. Mais cette vision n'est pas en adéquation avec ce que vivent les soldats au quotidien : c'est alors que des écrivains-combattants viennent raconter leur guerre, très différente de celle que l'arrière s'imagine. Après 1918, le spectacle des blessures physiques et psychiques causées par le conflit soulève l'horreur et le dégoût, ce qui donne un ton pessimiste, désabusé et désillusionné à la littérature de guerre. Les romans portant sur 1914-1918 sont très nombreux, faire un choix n'est donc pas facile, mais les dix retenus ici permettent de retracer l'évolution dans le temps de ce genre littéraire et vous donnerons, on l'espère, l'envie d'aller voir de plus près. ”
Source : La Première Guerre mondiale pour les Nuls, Jean-Yves le Naour. Éditions First, 2008.
Pour en savoir plus : consulter le site de l'historien Jean-Yves Le Naour, spécialiste de la Première Guerre mondiale et de l'Histoire du XXe siècle.
http://www.jeanyveslenaour.com/
La liste des dix romans
(lire les descriptions dans le chapitre 26 p.291-296)
1° Gaspard, René Benjamin, 1915.
2° Le Feu, Henri Barbusse, 1916.
3° Les Croix de bois, Roland Dorgelès, 1919.
4° Orages d'acier, Ernst Jünger, 1920.
5° Le Diable au corps, Raymond Radiguet, 1923.
6° Force-Bonté, Bakary Diallo, 1926.
7° Á l'ouest rien de nouveau, Erich Maria Remarque, 1928.
8° L'Adieu aux armes, Ernest Hemingway, 1929.
9° Voyage au bout de la nuit, Louis-Ferdinand Céline, 1932.
10° Les Âmes grises, Philippe Claudel, 2003.
Les éditions les plus récentes
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1° René Benjamin - Gaspard, 1915.
Archipoche, 3 janv. 2014 – 288 pages
Depuis les premiers jours d'août 1914, René Benjamin, jeune journaliste mobilisé en Lorraine, tient un carnet de « choses vues ». « Avec de l'eau plein nos chaussures et ma culotte, je me dis encore : il y a une page épatante à faire là-dessus », écrit-il à sa mère.
Dès mars 1915, ses notes fournissent la matière d'un feuilleton que publie Le Journal. Lorsque, après une blessure, Benjamin est rapatrié en Anjou, il décide de tirer de ces croquis un roman mettant en scène un Parisien truculent et hâbleur : Gaspard, qui compte rentrer du front « pour les vendanges », et que nous suivons en campagne, dans le train des blessés ou choyé par de jolies infirmières...
Couronné par le prix Goncourt 1915, le livre connaîtra un vif succès jusqu'à la fin 1916. Il apparaît alors que le conflit va s'éterniser : à Gaspard succéderont des œuvres plus noires : Le Feu de Barbusse, Ceux de 14 de Genevoix, Les Croix de bois de Dorgelès.
Gaspard est sans doute le premier roman inspiré par la mobilisation et par l'euphorie de l'été 1914, que caractérisaient « deux traits : l'élan charmant de cette race qui courut au feu ; puis la criminelle incurie de la plupart de ceux qui nous menèrent : politiques ou officiers. C'est le double sujet de mon livre, qui est un livre triste. On y rit ? Rien n'est plus triste que le rire dans le drame. »
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2° Henri Barbusse - Le feu. Journal d'une escouade, 1916.
Collection Folio (n° 5660), Gallimard. Parution : 31-10-2013
«– Ils te diront, grogna un homme à genoux, penché, les deux mains dans la terre, en secouant les épaules comme un dogue : ‘‘Mon ami, t'as été un héros admirable!'' J'veux pas qu'on m'dise ça!
Des héros, des espèces de gens extraordinaires, des idoles? Allons donc! On a été des bourreaux. On a fait honnêtement le métier de bourreaux. On le r'fera encore, à tour de bras, parce qu'il est grand et important de faire ce métier-là pour punir la guerre et l'étouffer. Le geste de tuerie est toujours ignoble – quelquefois nécessaire, mais toujours ignoble. Oui, de durs et infatigables bourreaux, voilà ce qu'on a été. Mais qu'on ne me parle pas de la vertu militaire parce que j'ai tué des Allemands.»Prix Goncourt en 1916, Le feu est le témoignage poignant de l'horreur des tranchées par un survivant. Il reste un chef-d'œuvre de la littérature de guerre.
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3° Roland Dorgelès - Les Croix de bois, 1919.
Date de publication: 8 septembre 2010 | Série: Le Livre de Poche (Livre 189)
Les Croix de bois, chef-d'œuvre de Roland Dorgelès, engagé volontaire, est un témoignage exceptionnel sur la Première Guerre mondiale.
Avec un réalisme parfois terrible mais toujours d'une généreuse humanité, la vie des tranchées nous est décrite dans toute son horreur et aussi sa bouffonnerie, son quotidien et ses moments d'exception.
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4° Ernst Jünger - Orages d'acier, 1920.
Lire le portrait de l'auteur sur les site du Crid 14-18 à Dictionnaire et guide des témoins de la Grande Guerre :
http://www.crid1418.org/temoins/2010/05/14/ernst-junger-1895-1998/
Date de publication: 31 décembre 2002 | Série: Biblio Romans (Livre 3110)
« Le grand moment était venu. Le barrage roulant s'approchait des premières tranchées. Nous nous mîmes en marche... Ma main droite étreignait la crosse de mon pistolet et la main gauche une badine de bambou. Je portais encore, bien que j'eusse très chaud, ma longue capote et, comme le prescrivait le règlement, des gants. Quand nous avançâmes, une fureur guerrière s'empara de nous, comme si, de très loin, se déversait en nous la force de l'assaut. Elle arrivait avec tant de vigueur qu'un sentiment de bonheur, de sérénité me saisit.L'immense volonté de destruction qui pesait sur ce champ de mort se concentrait dans les cerveaux, les plongeant dans une brume rouge. Sanglotant, balbutiant, nous nous lancions des phrases sans suite, et un spectateur non prévenu aurait peut-être imaginé que nous succombions sous l'excès de bonheur. » Ernst Jünger. Le livre d'Ernst Jünger, Orages d'acier, est incontestablement le plus beau livre de guerre que j'aie lu. André Gide.
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5° Raymond Radiguet - Le Diable au corps, 1923.
Date de publication: 23 février 2013 | Série: GF Etonnants classiques
Alors que la Première Guerre mondiale bat son plein, un adolescent noue une relation amoureuse avec une jeune femme de trois ans son aînée, fiancée à un soldat parti au front. Le temps du conflit – « quatre années de grandes vacances » –, les amants goûtent un bonheur aussi intense qu'illusoire. Portrait féroce d'une adolescence meurtrie par l'ennui, roman d'initiation amoureuse, mais aussi atteinte portée à la stature héroïque du soldat, Le Diable au corps déroute la critique lors de sa parution, en 1923, et provoque le scandale des lecteurs. La mort prématurée de son auteur, âgé de dix-neuf ans seulement, ajoute encore à l'agitation qui entoure alors l'oeuvre. En classe de Troisième, le texte sera étudié pour traiter l'objet d'étude sur le récit, qui recommande la lecture de textes « porteurs d'un regard sur l'histoire et le monde contemporains ». En classe de Première, il servira de support à l'étude du personnage de roman. Illustrée d'un cahier photos couleurs de 8 pages pour l'enseignement de l'histoire des arts, l'édition présentera notamment des séquences de l'adaptation cinématographique du Diable au corps par Claude Autant-Laura en 1947 (un classique du cinéma disponible en DVD, et sur lequel les professeurs pourront par ailleurs s'appuyer).
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6° Bakary Diallo - Force-Bonté, 1926.
Édition: Paris – Agence de coopération culturelle et technique, 1985. Description: 171 p. ; 21 cm
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7° Erich Maria Remarque - Á l'Ouest rien de nouveau, 1928.
Date de publication: 14 juin 1973 | Série: Littérature & Documents (Livre 197)
« Quand nous partons, nous ne sommes que de vulgaires soldats, maussades ou de bonne humeur et, quand nous arrivons dans la zone où commence le front, nous sommes devenus des hommes-bêtes? »Témoignage d'un simple soldat allemand de la guerre de 1914-1918, À l'ouest rien de nouveau, roman pacifiste, réaliste et bouleversant, connut, dès sa parution en 1928, un succès mondial retentissant. Il reste l'un des ouvrages les plus forts dans la dénonciation de la monstruosité de la guerre.
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8° Ernest Hemingway - L'Adieu aux armes, 1929.
Date de publication: 8 février 1972 | Éditeur : Gallimard – Série: Folio (Livre 27)
Frédéric Henry, jeune Américain volontaire dans les ambulances sur le front d'Italie, pendant la Première Guerre mondiale, est blessé et s'éprend de son infirmière, Catherine Barkley. Avec Catherine, enceinte, il tente de fuir la guerre et de passer en Suisse, où le destin les attend. Un des meilleurs romans de guerre. Un des plus grands romans d'amour.
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9° Louis-Ferdinand Céline - Voyage au bout de la nuit, 1932.
Date de publication: 16 février 1972 | Éditeur : Gallimard – Série: Folio (Livre 28)
Le Mot de l'éditeur
“- Bardamu, qu'il me fait alors gravement et un peu triste, nos pères nous valaient bien, n'en dis pas de mal ! – T'as raison, Arthur, pour ça t'as raison ! Haineux et dociles, violés, volés, étripés et couillons toujours, ils nous valaient bien ! Tu peux le dire ! Nous ne changeons pas ! Ni de chaussettes, ni de maîtres, ni d'opinions, ou bien si tard, que ça n'en vaut plus la peine. On est nés fidèles, on en crève nous autres ! Soldats gratuits, héros pour tout le monde et singes parlants, mots qui souffrent, on est nous les mignons du Roi Misère. C'est lui qui nous possède ! Quand on est pas sage, il serre... On a ses doigts autour du cou, toujours, ça gêne pour parler, faut faire bien attention si on tient à pouvoir manger... Pour des riens, il vous étrangle... C'est pas une vie...
– Il y a l'amour, Bardamu !
– Arthur, l'amour c'est l'infini mis à la portée des caniches et j'ai ma dignité moi ! que je lui réponds.”
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10° Philippe Claudel - Les Âmes grises, 2003.
Date de publication: 28 février 2006 | Série: Littérature & Documents (Livre 3051)
Le Mot de l'éditeur
A l'hiver 1917, dans un village du nord de la France tout près duquel les combats font rage, une fillette d'une dizaine d'années est retrouvée morte, assassinée sur le bord d'un petit cours d'eau.
Des années plus tard, retraité, le policier qui a mené l'enquête raconte ce qui a suivi. Qui a tué Belle ? Un maraudeur de passage ? Le petit soldat breton déserteur ? La solidarité de classe n'aurait-elle pas épargné le coupable en la personne du procureur Destinat, personnage impitoyable et glacé ? Et comment expliquer le suicide de la jeune institutrice, Lysia, si pleine de vie ?
A partir d'une énigme à la Simenon, Philippe Claudel a construit un roman puissant, à la progression dramatique impressionnante, tableau saisissant d'une France provinciale plongée dans le cauchemar de la guerre. Il a aussi analysé, avec une lucidité et une finesse psychologique sans faille, les rapports troubles que le bien et le mal entretiennent en chacun de nous, faisant à jamais de nos âmes des « âmes grises ».
Couronné par le prix Renaudot 2003, ce roman a revécu à l'écran dans le film d'Yves Angelo, magistralement interprété par Jean-Pierre Marielle et Jacques Villeret.
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