52. Les premiers Morts pour la France de Haute-Vienne : des circonstances diverses de décès
7 août 2014 Luc Fessemaz
D'après la base des Morts pour la France de Haute-Vienne, constituée par le Canopé de Limoges, le tout premier décès lié au début de la Première Guerre mondiale est celui du soldat François Delbrut. Il est né le 3 novembre 1889 à la Porcherie (commune au sud-est du département). De la classe 1909, il est passé par le centre de Brive en Corrèze, et fait partie lorsque la Grande Guerre éclate du 7e régiment d'infanterie de Cahors. Le contenu de sa fiche sur le site Mémoire de hommes pose des interrogations : il serait décédé le 5 août 1914, “tué à l'ennemi”, mais aucun lieu de décès n'est indiqué...
Le genre de mort indiqué est surprenant, seulement trois jours après la déclaration de guerre de l'Allemagne à France. Pour faire avancer l'enquête, on peut consulter le JMO du 7e régiment d'infanterie (Journal des Marches et Opérations en ligne sur le site Mémoire des hommes) , qui donne des indications sur les activités du régiment dans les premiers jours d'août 1914. On apprend ainsi que l'ordre de mobilisation est arrivé au régiment le 1er août à 16h35 et commence le 2 août à 0h. Les opérations prévues au journal de mobilisation durent trois jours : du 2 au 4 août. Le 5 août, le régiment effectue une marche d'épreuve de roulement des voitures de 5h30 à 8h30. En milieu d'après-midi, le régiment commence à embarquer en chemin de fer à la gare de Cahors. Le régiment comporte trois bataillons avec chacun quatre compagnies. Un tableau indique les grades et les effectifs des 12 compagnies. Au total l'effectif de départ est de 3297 hommes et de 175 chevaux. Le 1er bataillon commence à embarquer à 16h23, le 2e bataillon suit à partir de 21h04 et le 3e bataillon termine l'embarquement à partir de 23h44. La journée du 6 août est consacrée au voyage en chemin de fer en direction de Valmy dans la Marne.
Source de l'illustration : article de Jean Mallouy « Les Transport stratégiques » dans Armée et Marine : revue hebdomadaire illustrée des armées de terre et de mer, n° 24, 14 juin 1914, p. 615, disponible sur http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5730840s/f7
Tous ces détails montrent que le 5 août on est encore loin du champ de bataille, et que l'expression d'usage “tué à l'ennemi” qui figure sur la fiche du soldat François Delbrut n'est pas compatible avec la date de décès indiquée... Pour trouver une éventuelle explication, il faut alors consulter le registre matricule n° 1841 de la classe 1909 qui contient tout le parcours militaire de notre soldat. Les registres matricules des soldats de Haute-Vienne sont disponibles aux Archives départementales, mais ils ne sont pas encore en ligne, il faut se rendre en salle de lecture pour les consulter...
En dehors de ce premier cas litigieux, il y a ensuite trois autres décès de soldats de la Haute-Vienne qui se produisent le 7 août 1914.
Le caporal Louis Bernard du 107e régiment d'infanterie caserné à Angoulême , né à Saint-Cyr en Haute-Vienne le 18 janvier 1891, est décédé des “suites de blessures de guerre” à l'hospice mixte de Cosne dans la Nièvre. La fiche indique aussi à la rubrique genre de mort : “tir”, sans autres précisions. Faut-il interpréter cela comme un accident lors du transport en chemin de fer vers le front ? Son nom figure sur le monument aux morts de Chaillac-sur-Vienne (commune de domicile à la date du décès).
Le brigadier Jean Brun du 11e régiment de dragons, unité de cavalerie casernée à Belfort, né à Oradour-sur-Glane le 16 novembre 1891, est décédé de “blessures de guerre” à Altkirch en Alsace (La Grande Guerre en dates – Les Français tentent de prendre pied en Alsace : http://centenaire.org/fr/la-grande-guerre-en-dates#8). Son nom figure sur le monument aux morts d'Oradour-sur-Glane. Pour plus de détails sur les circonstances de la mort de Jean Brun on peut consulter le JMO du 11e régiment de dragons vue 44/59.
Le cavalier Henri Vallade du 4e régiment de chasseurs, né à Saint-Yrieix le 10 octobre 1891, est décédé à l'hôpital de Limoges d'une “appendicite en forme suraigüe”. Genre de mort correspondant à la catégorie “maladie en service”, il a aussi la mention Mort pour la France. Son nom figure sur le monument aux morts de Saint-Yrieix.
Pour cette date du 7 août, le site Mémoire des hommes fournit également la fiche d'un quatrième décès, mais il s'agit d'un second cas litigieux. Le soldat Emile Fernand Pouret du 2e régiment de zouaves, né le 19 juillet 1888 à Limoges, est considéré comme “disparu au combat” à Ham-sur-Sambre en Belgique. Son décès est fixé le 7 août 1914 par jugement déclaratif du tribunal de Limoges rendu le 8 avril 1921 et son nom figure également dans le Livre d'or de Limoges confectionné dans les années 1929-1930 avec cette même date du 7 août.
Il est légitime de douter de cette date qui est trop avancée dans le calendrier : tous les recoupements avec les soldats du 2e RMZ décédés à Ham-sur-Sambre en Belgique se font sur une période comprise entre le 22 et le 24 août 1914... Les journaux des marches et opérations (JMO) du 2e RMZ ne sont pas disponibles sur le site de Mémoire des hommes, par contre on y trouve l'historique du régiment qui confirme les doutes : le baptême du feu du 2e RMZ a eu lieu à la bataille de Charleroi qui se déroule en Belgique du 21 au 23 août 1914. Une autre piste de vérification consisterait à se rendre aux Archives départementales de la Haute-Vienne pour consulter le registre matricule d'Emile Fernand Pouret afin de voir quelles informations sur son décès y sont inscrites (date, lieu, genre de mort).
Source : Extrait de la page 6 de l'historique du 2e Régiment de Zouaves. Oran, sans date d'édition. Disponible en ligne sur Gallica.
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